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.C'est à peine s'il se disait que cette rencontre possible chez Prévost (de laquellel'attente saccageait, dénudait à ce point les moments qui la précédaient qu'il ne trouvait plus une seule idée,un seul souvenir derrière lequel il pût faire reposer son esprit), il était probable pourtant, si elle avait lieu,qu'elle serait comme les autres, fort peu de chose.Comme chaque soir, dès qu'il serait avec Odette, jetantfurtivement sur son changeant visage un regard aussitôt détourné de peur qu'elle n'y vît l'avance d'un désir etDEUXIÈME PARTIE.UN AMOUR DE SWANN 111 Du Côté de Chez Swannne crût plus à son désintéressement, il cesserait de pouvoir penser à elle, trop occupé à trouver des prétextesqui lui permissent de ne pas la quitter tout de suite et de s'assurer, sans avoir l'air d'y tenir, qu'il la retrouveraitle lendemain chez les Verdurin: c'est-à-dire de prolonger pour l'instant et de renouveler un jour de plus ladéception et la torture que lui apportait la vaine présence de cette femme qu'il approchait sans oser l'étreindre.Elle n'était pas chez Prévost; il voulut chercher dans tous les restaurants des boulevards.Pour gagner dutemps, pendant qu'il visitait les uns, il envoya dans les autres son cocher Rémi (le doge Loredan de Rizzo)qu'il alla attendre ensuite n'ayant rien trouvé lui-même à l'endroit qu'il lui avait désigné.La voiture nerevenait pas et Swann se représentait le moment qui approchait, à la fois comme celui où Rémi lui dirait:"Cette dame est là", et comme celui où Rémi lui dirait, "cette dame n'était dans aucun des cafés." Et ainsi ilvoyait la fin de la soirée devant lui, une et pourtant alternative, précédée soit par la rencontre d'Odette quiabolirait son angoisse, soit, par le renoncement forcé à la trouver ce soir, par l'acceptation de rentrer chez luisans l'avoir vue.Le cocher revint, mais, au moment où il s'arrêta devant Swann, celui-ci ne lui dit pas: "Avez-vous trouvécette dame?" mais: "Faites-moi donc penser demain à commander du bois, je crois que la provision doitcommencer à s'épuiser." Peut-être se disait-il que si Rémi avait trouvé Odette dans un café où elle l'attendait,la fin de la soirée néfaste était déjà anéantie par la réalisation commencée de la fin de soirée bienheureuse etqu'il n'avait pas besoin de se presser d'atteindre un bonheur capturé et en lieu sûr, qui ne s'échapperait plus.Mais aussi c'était par force d'inertie; il avait dans l'âme le manque de souplesse que certains êtres ont dans lecorps, ceux-là qui au moment d'éviter un choc, d'éloigner une flamme de leur habit, d'accomplir unmouvement urgent, prennent leur temps, commencent par rester une seconde dans la situation où ils étaientauparavant comme pour y trouver leur point d'appui, leur élan.Et sans doute si le cocher l'avait interrompu enlui disant: "Cette dame est là", il eut répondu: "Ah! oui, c'est vrai, la course que je vous avais donnée, tiens jen'aurais pas cru", et aurait continué à lui parler provision de bois pour lui cacher l'émotion qu'il avait eue et selaisser à lui-même le temps de rompre avec l'inquiétude et de se donner au bonheur.Mais le cocher revint lui dire qu'il ne l'avait trouvée nulle part, et ajouta son avis, en vieux serviteur:Je crois que Monsieur n'a plus qu'à rentrer.Mais l'indifférence que Swann jouait facilement quand Rémi ne pouvait plus rien changer à la réponse qu'ilapportait tomba, quand il le vit essayer de le faire renoncer à son espoir et à sa recherche:"Mais pas du tout, s'écria-t-il, il faut que nous trouvions cette dame; c'est de la plus haute importance.Elleserait extrêmement ennuyée, pour une affaire, et froissée, si elle ne m'avait pas vu.""Je ne vois pas comment cette dame pourrait être froissée, répondit Rémi, puisque c'est elle qui est partie sansattendre Monsieur, qu'elle a dit qu'elle allait chez Prévost et qu'elle n'y était pas,"D'ailleurs on commençait à éteindre partout.Sous les arbres des boulevards, dans une obscurité mystérieuse,les passants plus rares erraient, à peine reconnaissables.Parfois l'ombre d'une femme qui s'approchait de lui,lui murmurant un mot à l'oreille, lui demandant de la ramener, fit tressaillir Swann.Il frôlait anxieusementtous ces corps obscurs comme si parmi les fantômes des morts, dans le royaume sombre, il eût cherchéEurydice.De tous les modes de production de l'amour, de tous les agents de dissémination du mal sacré, il est bien l'undes plus efficaces, ce grand souffle d'agitation qui parfois passe sur nous.Alors l'être avec qui nous nousplaisons à ce moment-là, le sort en est jeté, c'est lui que nous aimerons.Il n'est même pas besoin qu'il nousplût jusque-là plus ou même autant que d'autres.Ce qu'il fallait, c'est que notre goût pour lui devint exclusif.Et cette condition-là est réalisée quand à ce moment où il nous fait défaut à la recherche des plaisirs queDEUXIÈME PARTIE.UN AMOUR DE SWANN 112 Du Côté de Chez Swannson agrément nous donnait, s'est brusquement substitué en nous un besoin anxieux, qui a pour objet cet êtremême, un besoin absurde, que les lois de ce monde rendent impossible à satisfaire et difficile à guérir lebesoin insensé et douloureux de le posséder [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]
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